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Chardon Bleu qui Pique
30 août 2017

La mosquée et la parole politique

La mosquée est aujourd’hui devenue l’espace par excellence du déliement de la parole politique, mais une parole antisystème. A partir de 2010, année de la révision constitutionnelle qui ouvre la possibilité au président sortant de se représenter en avril 2011 pour un troisième mandat, les oulémas occupent désormais la place dévolue à l’opposition déstructurée par près d’une décennie de boycott électoral, l’exil et les dissensions internes. L’évolution de leur discours est significative. Purement religieux au départ, il glisse progressivement, pour ne pas heurter sans doute la sensibilité de l’auditoire ni attirer l’attention du gouvernement, vers un mélange de social et de religieux, puis d’actualité internationale et de religion, abordant enfin la politique nationale et l’islam. Le printemps arabe qui profita aux partis politiques islamistes en Tunisie et en Egypte et les vagues de sursaut populaire dans le monde arabe leur donnent une plus grande confiance face au gouvernement et ils estiment que la population leur est prédisposée. En février 2012, aux élections régionales et municipales, la coalition au pouvoir perd la mairie de la capitale face à une liste indépendante de jeunes amateurs en politique. C’est la première fois que l’UMP, dominé par le parti du présidentiel, est battue à des élections. Après une révision de la Constitution par voie parlementaire et les agitations du printemps arabe, cet épisode a fait naître un sentiment général d’infléchissement du pouvoir et annonçait une ouverture démocratique. Dans cette ambiance un peu candide, six oulémas, parmi lesquels Abdourahman Souleiman Bachir, Abdourahman Barkat God, Guirreh Maydal et Abdillahi Nouh53, décidèrent d’envoyer une lettre, écrite en arabe, au Chef de l’Etat. En substance, le contenu de la correspondance attirait l’attention du président de la république sur les problèmes socioéconomiques des Djiboutiens et sur la nécessité d’une réponse gouvernementale adaptée et urgente. Le pouvoir s’est offusqué de la « lettre des six oulémas » et la réponse fut sans équivoque : « si vous avez des idées, descendez dans l’arène ». Ils présenteront quelques mois après, auprès du ministère de l’Intérieur, une demande de création d’un parti politique qui sera rejetée immédiatement. Ce geste des oulémas peut être interprété de différentes façons. Pour certains, par sa réponse à la lettre des oulémas, le gouvernement a poussée à bout la patience de ces derniers. Pour d’autres, la fameuse lettre était l’ultime mise en garde des oulémas avant de s’engager ouvertement en politique. Toutefois, ces événements ont motivé le ralliement des oulémas à la coalition de tous les partis politiques de l’opposition, l’USN, fraîchement constituée en janvier 2013 pour prendre part aux élections législatives du mois suivant. Le gouvernement savait pertinemment que les leaders des oulémas lui étaient hostiles depuis au moins 2010 et concoctait une série de ripostes sans que cela ne soit perçu comme des mesures dirigées contre la religion.

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